Les événements dramatiques de ces derniers jours nous ont tous très fortement choqués et attristés, laissés sans voix… Dans ce contexte chaotique, les enfants peuvent se sentir inquiets et désemparés. Certains parents ont fait le choix d’expliquer, d’autres ont préféré préserver leur progéniture.
Il est des périodes où nous sommes plongés dans la confusion, que devons-nous faire ? Dire ? Alors que nous sommes nous-mêmes choqués, qu’un fort sentiment d’impuissance nous envahit.
Les jeunes enfants ne peuvent faire face à la violence des images montrées sur internet, à la télé, c’est un premier point important, essayer de les protéger au maximum de cette brutalité qui n’a aucun sens pour eux et qu’ils n’ont pas les moyens affectifs et intellectuels de comprendre est essentiel.
Comment gérer un tel évènement lorsque l’on est parent ?
Il est très important que tous les parents parlent avec leurs enfants parce que tous ont forcément entendu parler de ce qu’il s’est passé. Dans le bus, dans la cour de récréation, à la sortie de l’école quand les parents discutent, ou parfois directement en classe.
Les enfants auront des questionnements, peut-être auront-ils entendu des éléments de l’histoire relatée par des camarades de classe, peut être le sujet aura-t-il été abordé à l’école, à moins que vos enfants branchés sur vos émotions ressentent un malaise et éprouvent le besoin d’exprimer ce qu’ils éprouvent. Ils seront parfois victimes du syndrome du biscuit cassé, ou autrement dit ils essaieront d’évacuer des émotions (tristesse, colère, rage) en prenant pour support un événement mineur. Cela les aidera à relâcher les tensions. Dans ce cas, rester présent et à l’écoute leur donnera le soutien nécessaire.
Comment leur expliquer ?
Les enfants sentent l’angoisse des adultes. La parole des parents est un cadre à l’intérieur duquel peuvent s’inscrire les informations qu’ils entendent ici et là. C’est ce qui leur permet de ne pas être submergés, envahis, et de pouvoir en faire quelque chose. Même si l’enfant n’aborde pas du tout le sujet de lui-même, il faut l’amener à en parler, et il faut surtout l’écouter, dans un premier temps.
Est-il au courant ? Que sait-il ? Comment le sait-il ? Qu’a-t-il compris ?
L’imagination des enfants travaille beaucoup. Ils se représentent parfois des choses qui sont à mille lieux de ce que nous, adultes, imaginons. Il faut donc savoir ce qu’il en pense, et à partir de là, soit le faire avancer vers la vérité s’il lui manque des éléments, soit le détromper s’il est vraiment dans le faux.Il faut lui raconter les faits, le plus sobrement possible, en évitant les détails et tout ce qui pourrait prêter à encore plus d’images effrayantes que l’enfant se fabriquerait.
Ensuite, il faut pouvoir leur expliquer pourquoi c’est arrivé avec des mots à leur portée.
Comment apaiser l’inquiétude de l’enfant ?
En leur expliquant deux choses. D’abord que tout cela est horrible, épouvantable, mais que pour montrer notre désaccord avec ces atrocités, nous nous mobilisons. Que de nombreuses personnes se rassemblent dans la rue, qu’elles allument des bougies, qu’elles apportent des fleurs… Il faut leur montrer les photos de cette mobilisation. Qu’il y a eu cette minute de silence pendant laquelle tout le monde s’est arrêté pour penser très fort à ces personnes. Il faut vraiment montrer aux enfants que les adultes s’unissent pour dénoncer ce qu’il s’est passé et dire leur refus que cela se reproduise.
La deuxième chose, c’est de leur expliquer la mission des forces de police, le renforcement des forces de police. Leur dire que tous les policiers ont pour mission d’assurer, encore plus qu’avant, la sécurité des gens. Et il est normal que cela puisse les inquiéter au début, s’ils voient que l’on se met à fouiller les sacs à l’entrée du supermarché alors qu’on ne le faisait pas avant. Mais il faut leur expliquer que c’est normal. Que la sécurité est renforcée partout. Qu’on veut juste être sûr que personne n’a pas d’arme. Il faut leur dire que ces mêmes forces de police vont aussi arrêter ces hommes qui se sont crus tout-puissants et qui ont tué tous ces gens. Leur dire qu’ils sont recherchés par tous les policiers, et qu’ils vont être attrapés. Ce ne sont pas des super-héros, ils n’ont pas de super pouvoirs. Ils ont juste voulu faire la guerre avec leurs gros fusils, mais ce qu’ils ont fait est inacceptable. La police va les attraper, et ils vont aller en prison. C’est ce qui permet à l’enfant de faire la différence entre son imagination et la réalité.
Et si l’enfant ne semble pas trop prendre cela au sérieux ?
Souvent, les parents ont peur de parler de ce genre de choses avec leurs enfants, parce qu’ils ont peur d’être trop émus, de pleurer. Il ne faut pas qu’ils aient peur de ça. Il n’y a aucune bonne parole, aucune bonne façon d’être bouleversé. Ce sont les émotions des parents qui vont permettre aux enfants de prendre conscience de ce qu’il se passe, et de la gravité des évènements. Si même les parents n’arrivent pas à en parler sans avoir la gorge serrée et les larmes aux yeux, c’est que vraiment, ce qu’il s’est passé est inhumain. Leur permettre de le comprendre c’est à la fois une leçon de vie mais avant tout une leçon de civisme. C’est l’occasion de leur parler de valeurs fondamentales, de liberté, de tolérance, de solidarité.
C’est l’occasion de leur dire qu’il existe encore aujourd’hui des pays dans lesquels les gens ne sont pas libres de faire ce qu’ils veulent. Que nous nous sommes battus dans ce pays pour obtenir ces droits et qu’il nous faut à nouveau nous battre pour pouvoir les conserver. Et se battre, quand on est un homme civilisé, c’est manifester, c’est se faire entendre.
Peut-on emmener les enfants aux rassemblements ?
Sur le plan de la participation, c’est formidable pour des enfants de voir tous ces humains réunis et solidaires pour défendre l’humanité. Mais il ne faut pas oublier que dans une foule, et dans une manifestation de cet ordre-là, il y a toujours un risque. C’est très bien que les enfants prennent conscience de ces élans de solidarité (et s’ils ne vont pas aux rassemblements, il faut leur en parler, leur montrer des photos) mais il faut aussi faire attention à ne pas les mettre en danger.
Quoi que l’on décide, les enfants doivent voir que ce sont les terroristes qui sont isolés et seuls, alors que nous, nous faisons front tous ensemble. Toutes les actions et les messages de soutien et de paix adressés, leur montrent que dans ce moment de tristesse, les adultes, se réunissent pour se réconforter et pour parler. Il faut leur montrer que seul le collectif peut nous permettre de surmonter un tel traumatisme.
Quelle attitude avoir quant aux des images violentes qui circulent sur Internet et à la télévision ?
Il faut autant que possible préserver les enfants de ces images et empêcher qu’ils ne les voient. Maintenant, il arrive que d’autres enfants leur en parler à l’école, ou qu’un ainé leur montre, voire qu’ils tombent eux-mêmes dessus sur les réseaux sociaux et que leur curiosité les pousse à regarder. Il faut leur dire que ces images sont très violentes, qu’ils sont trop petits pour les voir, et leur demander de ne pas les regarder.
Si malheureusement ils en ont vu tout de même, il faut alors les faire en parler. Que l’enfant dise ce qu’il a vu, ce qu’il en a compris. Et l’adulte de lui dire combien il est lui-même affecté par ces images, combien il les trouve dures, choquantes, voire insoutenables. Pour que l’enfant puisse prendre conscience que ce qu’il éprouve est normal et qu’il puisse en parler.
Source : Psychologies